Rock & folk


Viva last blues


Que la présence de Steve Albini au titre de producteur de cet album n'induise pas en erreur, la musique de Palace est à mille lieux des préoccupations hardcore du jusqu'au-boutiste fondateur de Big Black, et seule l'extrême sécheresse sonore de ce Viva last blues semble porter la marque du producteur janséniste et binoclard. On ne trouvera pas non plus trace ici des bricolages qu'affectionne habituellement Jason Loewenstein, ex-multi-instrumentiste chez Sebadoh, venu prêter baguette à la réalisation de ce CD névrosé. Non, ce disque est l'oeuvre à part entière de Will Oldham, l'homme des hautes plaines qui se cache, avec son frère Ned, derrière Palace, faux groupe à patronymes variables puisque autrefois baptisé Palace Brothers ou Palace Songs. Cow-boy citadin, Will sort, depuis quelques années déjà, des disques de ballades somnambuliques que l'on pourrait, en tirant sur la corde, ranger dans la même famille apathique qu'Idaho ou DC Bashead. Will ne joue ni du rock, ni du rap, mais plutôt une sorte de country urbaine comme fatiguée d'elle-même. Une musique qui, comme celle des deux autres endormis précités, est empreinte d'une étrange lassitude. Tout ici est avachi, anéanti, à l'image de cette hyène qui en couverture de l'album ne semble plus avoir d'autres ressources que de se nourrir de son propre cadavre. Au plus enlevé Cat's blues, le timbre de Will Oldham rappelle celui de Gordon Cano des Violent Femmes, ou alors We all, us three, will ride. C'est un vague Dylan qu'il semble convoquer mais, le plus souvent, la voix du leader de Palace suit son propre petit tempo, et la musique, Viva ultra, semble avoir le plus grand mal à suivre son rythme de tortue sous Témesta. Trente minutes d'un disque que l'on pourrait trouver barbant, assommant, s'il n'était par moments relativement émouvant.

Alexis Bernier


Rock & folk Rock & Folk
numéro 339
novembre 1995
page 76