There's no-one what will take care of you
Dès ses débuts discographiques, le cinéphile Will Oldham nous fournissait déjà la bande son idéale d'un film à la
Une histoire vraie, c'est-à-dire un western sans cow-boys, peuplé de représentants d'une Amérique rurale et bien profonde (on pense à la terrible histoire d'inceste qu'est
Riding). Fier repreneur d'une tradition qu'assurait Creedence Clearwater Revival quelques décennies plus tôt, Oldham revendique sa musique de "bouseux". A l'écoute de ce disque on imagine le Will dans une chemise à carreaux affublé d'un bon vieux Stetson, égrenant ses accords inquiétants au coin du feu, un verre de whisky pas trop loin. Les chansons font peur tant par leur beauté rêche que leur tendance à lorgner vers la neurasthénie (
I was drunk at the pulpit et l'impressionnant
Long before). Ce n'est un secret pour personne, Will Oldham est loin d'être un musicien surdoué mais la spontanéité et le côté parfois bancal de ses morceaux tranchés à vif sont des armes qui font tout le charme de son univers. Jouant à l'économie, on sent que le groupe derrière lui n'en mène pas large. Malgré quelques dérapages (l'inénarrable clavier de
There is no-one what will take care of you) il est toutefois capable de grands moments : l'agressivité contenue de
The cellar song glace le sang. Oldham, qui, comme d'habitude chante assez faux, n'en arrive pas moins à être simplement parfait. Un tel morceau nous évoque un Leonard Cohen menaçant, tandis que l'évidence mélodique de
King me impressionne. Ajouter à cela le classique de pasteur déguisé en morceau folk qu'est
O Lord are you in need porté par une guitare lead économique et on arrive tout droit au monument qu'est
Riding. Oldham a beau avoir proféré "Mort à tous" par la suite, jamais ses paroles n'ont tant transpiré d'effroi. Comme drogué par sa propre histoire, il répète ses phrases comme d'étranges mantras avant la terrible conclusion finale
"Ca fait bien longtemps que je suis mort et je vis en enfer, c'était la seule fille que j'aimais vraiment. Nous avons été élevé ensemble et nous avons chuté ensemble. Dieu est ce que j'en fais. Et tout ce que j'aime je le lui donne, tout ce que je possède je le lui dois, toute ma vie je lui ai fait des promesses". Un disque qui contient de telles paroles devrait se passer de commentaires.
Eric F. le 13 mai 2004
THE PALACE BROTHERS There's no-one what will take care of you (Big Cat/Semantic)
Millefeuille