Rock & folk


Un grand merci à l'Arrangeur Masqué pour le texte de cet article.


There is no-one what will take care of you


Faulkner des hautes terres et Townes Van Zandt de notre époque, Will Oldham est originaire de Louisville (Kentucky). La voix est frêle, le banjo incertain, le son minimal, l'effet saisissant, les chansons immenses. Hillbilly contemporain, Will chante le chagrin et la pitié sur le versant Ouest des Appalaches, dans une pure tradition du Kentucky. En effet, c'est de cette contrée que vient la musique bluegrass, en référence aux paysans du coin qui jouaient, chantaient et dansaient sur ces hautes terres jusqu'à ce que le soleil se couche et que l'herbe devienne blue... Il est ici question d'inceste, d'ivresse, de religion, de solitude, d'amour et de chaleur humaine. Autant de thèmes qui trouvent leur expression musicale et vocale surtout (voix extraordinaire de Will Oldham, peut-être le plus grand chanteur de blues blanc depuis Hank Williams) sur les douze morceaux ô combien arides et désolés de cet album, premier disque chef-d'œuvre. Le caractère intemporel des thèmes abordés est en adéquation avec le classicisme de la musique, elle aussi dépouillée et traditionnelle sans ambages. Le banjo reste égrillard, la guitare quelque peu désaccordée mais l'émotion est intense. Classique dès sa sortie de par ses compositions et l'absence de compromissions avec les modes musicales en vigueur aux alentours de 1993, There is no-one what will take care of you n'est que la première brillante réussite dans la carrière discographique prolifique et invariable en qualité, de Will, la fierté du Kentucky. Mais plus que ces considérations musicales et géographiques, ce disque reste une œuvre profondément humaine, une émotion rare et sincère en ces temps d'incertitude. Quelqu'un prendra soin de nous, quoi qu'en dise le titre de l'album.

Florent Mazzoleni


Rock & Folk
hors-série numéro 15 (Disco 2000, les indispensables)
décembre 1999
page 121