La revue pop-moderne


Un grand merci à Jean-Paul pour le scan de cet article.


Superwolf


Des Misfits aux Ramones en passant par Shellac, Royal Trux et divers groupuscules hardcore, Will Oldham n'a jamais caché son goût pour les musiques massives, sinon grasses. Rien d'étonnant donc à le voir aujourd'hui signer un album à quatre mains en compagnie de Matt Sweeney, l'ancien leader des métalliques Chavez et colonne vertébrale furtive de Zwan, ce projet rapidement avorté de Billy Corgan. Adoubé en son temps par un certain Robert Pollard, Sweeney, qui a brièvement joué au sein de Guided By Voices, s'est considérablement assagi au fil des années et ses brillantes prestations sur The covers record de Cat Power ou le très bucolique Ease down the road de Bonnie 'Prince' Billy témoignent à elles seules du virage opéré par ce guitariste hors norme. Aujourd'hui reconnu par le prince de la country alternative comme un de ses pairs, Matt Sweeney a de quoi savourer son heure de gloire... Auteurs d'un des disques les plus poignants de cette rentrée, les deux complices chantent et jouent à l'unisson une musique belle à chialer. Il est vrai qu'avec ou sans Clyde, Bonnie a toujours frappé direct aux tripes, et sa faconde légendaire ne semble pas sur le point de se tarir. Transcendant folk, country, rock, blues et gospel, Superwolf condense un siècle de musique populaire américaine, jouée avec une ferveur toute contemporaine. Essentiellement interprétées à la guitare électrique, acoustique ou slide, ces onze incantations (My home is the sea, Death in the sea) sauvées des eaux s'adressent à la bête enfouie à l'intérieur de chacun (Beast for thee, Blood embrace), ce démon que Johnny Cash avait forcément en tête lorsqu'il s'appropria I see a darkness du génie de Louisville. Comme les Rolling Stones à la fin des années 60, Will 'BPB' Oldham évolue depuis ses débuts en état de grâce perpétuel, comme en témoigne ce partenariat en forme d'hommage présumé à Steppenwolf ou sa fulgurante apparition sur l'excellent Nothin' to celebrate de Red. Et si Matt Sweeney, pas intimidé pour deux dollars (guitar), fait plus que tirer son épingle du jeu, c'est une fois encore l'auteur de Ohio river boat song qui, la fin venue, raccompagne la princesse sur son fier destrier et accomplit son devoir avec un entrain qui fait plaisir à écouter.

Renaud Paulik

BONNIE 'PRINCE' BILLY & MATT SWEENEY Superwolf (Domino/Pias)


La revue pop-moderne Magic
numéro 87
février 2005
page 81