Millefeuille


Un grand merci à Jean-Paul pour le scan de cet article.


Summer in the Southeast


Si en l'espace d'une année Will Oldham n'a pas toujours été très fréquentable, le moins que l'on puisse dire est qu'il a été surproductif : collaborations avec Sage Francis, Alasdair Roberts, Matt Sweeney, une autre avec Tortoise qui sortira début 2006 (franchement réussie par ailleurs), ainsi qu'un double album hommage réalisé par la crème de la scène folk-indépendante (Calexico et Iron & Wine en tête...) et pour finir (espérons que ce disque boucle la boucle), un disque live.

Alors, je vous vois venir à des kilomètres : "qu'est-ce qu'il va nous inventer comme plan marketing la prochaine fois ?". De plus, ceux qui auront assisté aux concerts parisiens de cet été (cette longue tournée a d'ailleurs donné le matériel pour cet enregistrement) n'en seront que plus inquiets tant le barbu fut rébarbatif, "gratifiant" le public médusé d'une setlist en très grande majorité dédiée au dernier Superwolf, lui aussi à ranger dans la catégorie "ratés".

Certes, Oldham semble s'être perdu en route (le syndrome Ease down the road ? ah ah) mais il nous surprend encore, même le dos au mur. On pourrait d'ailleurs le soupçonner d'exceller dans ce domaine : le glaçon Arise therefore dans la foulée de l'épopée Palace, le magistral I see a darkness suite aux inégaux disques sortis sous son propre nom... Autant être franc, ce live n'est pas déplaisant, il est même plutôt bon. S'il a été enregistré sur plusieurs dates américaines, on peut pourtant l'écouter d'une traite, comme s'il s'agissait d'un concert unique. Très bon point, Oldham s'est attaché à présenter une sélection de morceaux tout à fait différente de celle du Greatest Palace music. L'ensemble manquera donc peut-être de quelques titres "mythiques" (New partner, Ohio river boat song, Come in, entre autres...) mais il ne manque pas pour autant de piquant.

Surtout que, fidèle à son habitude, Oldham prend sur scène le parfait contre-pied des versions studios (on fantasme encore sur ses premières parties de Björk seulement accompagné... d'un autoharp, bonjour la tronche des fans de l'Islandaise !). On constate que le line-up est constitué de quelques vieux habitués (le frère Paul à la basse, Matt Sweeney à la guitare et Pete Townsend à la batterie). Les fans qui suivent le bonhomme depuis quelques temps ne seront pas trop surpris par ces relectures, mais peut-être le seront-ils par certaines guitares qui se lâchent énormément sur certains titres (excellente version accélérée de May it always be, O let it be et Madeleine Mary gonflés à la testostérone...). Après la phase country, le gros rock comme marotte ? Pas tout à fait même si les allumés de Pitchfork sont allés voir des ressemblances entre ce live et le Yield de Pearl Jam (?!?)... Oldham livre également de grands moments de grâce comme sur l'intouchable I see a darkness avec de jolis choeurs féminins, tandis que Death to everyone prend ici une dimension encore plus glorieuse. Histoire de ne pas réserver qu'un plébiscite aux titres d'I see a darkness, mentionnons également le squelettique Even if love.

Ne vous y trompez pas, les cris du public présents au début de chaque titre sont bien des flagrantes déclarations d'approbation. Quand on sait que ces morceaux ont été joués dans des petites salles (on imagine l'ambiance...), on peut se dire que Will Oldham n'a pas tout à fait perdu le Nord bien qu'il continue à aller dans tous les sens.

Eric F. le 29 novembre 2005.

BONNIE 'PRINCE' BILLY Summer in the Southeast (Drag City/Discograph)


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