La revue pop-moderne


Un grand merci à Jean-Paul pour le scan de cet article.


Summer in the Southeast


Summer in the Southeast, le premier album live de Bonnie 'Prince' Billy — provisoirement autorebaptisé Pink Nasty et communément connu sous le nom de Will Oldham — est un euphémisme en soi : la majeure partie des enregistrements de notre Américain schizophrène fleure bon la prise directe et la fièvre collective. Accompagné de sa section rythmique de prédilection (son frère Paul Oldham à la basse et Peter Townsend aux tambours), des guitaristes Matt Sweeney (co-auteur de l'inusable Superwolf) et David Bird, et enfin de l'orgue et des choeurs essentiels de Ryder McNair, Bonnie revisite du fin fond de l'Amérique (Floride, Georgie, Mississippi, Caroline du Nord) le meilleur de sa discographie. Ou peu s'en faut. Mais loin de faire double emploi avec les réarrangements sublimes du Greatest Palace music, le répertoire s'étoffe ici sous l'effet de la fée électricité, troquant les subtilités acoustiques d'antan pour une densité nouvelle. Plus brut que les récents travaux du Prince du Kentucky, ce disque fait du neuf avec du vieux (les intouchables Pushkin et I send my love to you), tout en rendant grâce aux classiques immuables (Break of day, I see a darkness, Ease down the road). Et si le radical Sucker's evening révèle ici toute sa splendeur en blues crasseux, Beast for thee n'apporte en revanche rien à la version originale, certainement encore trop fraîche pour envisager un quelconque réajustement. Mais tout cela ne serait rien sans l'humanité sidérante de la voix du maître, dont on sait depuis le début des hostilités qu'elle nous accompagnera, exactement comme celle de Tom Waits, jusqu'à nos plus vieux jours.

Renaud Paulik

BONNIE 'PRINCE' BILLY Summer in the Southeast (Drag City/Discograph)


La revue pop-moderne Magic
numéro 96
décembre 2005-janvier 2006
page 75