La revue pop-moderne


Un grand merci à Jean-Paul pour les scans de cet article et des photos qui l'accompagnent.


Joya


Will Oldham, pour ceux qui l'ignorent, est le principal actionnaire et gérant de la famille Palace. Pour la première fois, et après plusieurs variations autour de cette dénomination, sort un disque sous son propre nom. Cela étant, la première écoute n'est guère source d'étonnements relatifs à un quelconque changement de direction : la chapelle Palace ne s'est pas soudain transformée en maison de passes. Un titre d'ailleurs nous prévient : I am still what I meant to be ou "je suis encore ce que je voulais être". Le premier album, There is no-one what will take care of you, fleurait bon la campagne américaine, les granges et le blé. Les suivants sonnaient comme autant de variations autour d'un autisme parfois minimal, épuisant souvent jusqu'à l'os les arrangements les plus délicats : le très beau deuxième album récemment rebaptisé Days in the wake et le single West palm beach/Gulf shores restent au panthéon de l'écriture rock la plus décalée et la plus juste, à la fois. Ce nouvel opus, lui, lorgne plutôt du côté des Allmann Brothers et fait montre d'une fraîcheur et parfois d'une candeur peu soupçonnées chez Palace, où les titres deviennent jeux de mots ou calembours, genre Apocolypse, no!. Autant l'album précédent, Arise therefore, était empreint d'un minimalisme glacial, autant celui-ci semble plus enjoué, coloré même, faisant alterner la multiplicité des esthétiques rock, tour à tour répétitif et entêtant ou linéaire et efficace. Les granges country des premiers moments semblent bien éloignées : on aurait d'ailleurs du mal à se replonger dans There is no-one... sans mettre en danger certaines vieilles blessures. L'écoute de Palace correspond parfaitement à l'évolution d'une jeunesse : c'est avec Will Oldham que l'on devient adulte, ou autiste à vie. Antagonism et New gypsy justifient d'ailleurs à eux seuls l'achat de ce disque. Recommandé, comme d'habitude — mais pas encore par habitude.

Joseph Ghosn

WILL OLDHAM Joya (Domino/Pias)


La revue pop-moderne Magic
numéro 17
novembre/décembre 1997
page 78