La revue pop-moderne


Un grand merci à Jean-Paul pour le scan de cet article.


Sings greatest Palace music


A l'heure de revisiter l'essentiel du répertoire de son Palace originel, Bonnie "Prince" Billy s'est décidé à revêtir ses classiques des plus beaux habits de la musique traditionnelle américaine. Ressemblant à s'y méprendre aux meilleurs enregistrements du regretté Gram Parsons avec ses violons, cuivres, pedal-steel, pianos et choeurs en cascade, cette compilation ne remplacera bien évidemment jamais les albums originaux, dont la violence décharnée semble aujourd'hui encore insurpassable. Mais l'enjeu ne se situe pas là et il serait stupide de bouder son plaisir devant une telle débauche de talent. Puisé dans ce que Will Oldham a écrit de plus poignant, de Ohio river boat song à You will miss me when I burn, Riding ou Horses, Greatest Palace music est d'un classicisme élégiaque, l'exercice de style d'un génie déterminé à faire le tour d'un genre qui n'a de cesse de hanter son oeuvre. Au jeu de la relecture magistrale, la palme va aux morceaux originellement les plus dépouillés, comme les cinq reprises du bouleversant et majoritairement représenté Days in the wake, enregistré en solitaire il y a tout juste dix ans par un Will Oldham au sommet de sa forme. Mis en boîte par Mark "Lambchop" Nevers, Greatest Palace music - quel pléonasme - donne au fabuleux pianiste de Nashville Hargus "Pig" Robbins l'occasion de suivre les traces de feu Nicky Hopkins, assurément le plus grand pianiste de rock de tous les temps. Le reste des musiciens, au diapason, interprète le répertoire avec dévotion alors que le fils prodige de Louisville, possédé par ses mots bleus, chante avec déchirement son inaptitude à vivre comme le reste du monde. Seule ombre au tableau de cette grande musique, Viva ultra rejoint Walk on the wild side, Rock'n'roll suicide et Born to run au panthéon des chansons mythiques massacrées en leur milieu par un solo de saxophone ridicule. Mais on ne saurait en tenir rigueur à ce fils spirituel de Johnny Cash, qui n'a décidément pas fini d'enchanter le cercle grandissant de ses adeptes...

Renaud Paulik

BONNIE 'PRINCE' BILLY Sings greatest Palace music (Domino/Pias)


La revue pop-moderne Magic
numéro 79
avril 2004
page 70