Ease down the road
Bonnie 'Prince' Billy est l'un des pseudonymes utilisés par Will Oldham, chanteur-compositeur basé au Kentucky connu pour sa morne approche lo-fi de la musique hillbilly américaine contemporaine. Ne craignant apparemment pas de semer la confusion parmi son public culte, Oldham enregistre sous son propre nom ou celui de Prince Billy, et aussi comme membre de Palace Bros, également connu sous l'intitulé Palace Music. Il serait tentant de penser qu'il se sert de ces différentes appellations afin de créer différents styles pour chacun de ses projets ; mais en vérité, tout ce qu'il fait sonne peu ou prou de la même façon : il est seulement trop prolifique pour se permettre d'agir sous un seul nom. Cela posé,
Ease down the road signale quelques changements rafraîchissants dans son approche de l'écriture. Les sons produits s'apparentent toujours à du country-folk artisanal, avec la voix vacillante d'Oldham mixée très en avant, mais, cette fois, il a invité quelques proches à venir l'épauler en studio sur quelque bizarre ornement instrumental ou d'occasionnelles harmonies vocales. Parmi eux, les deux frères d'Oldham, Ned et Paul, un guitariste appelé Dave Pajo qui a précédemment produit des sessions pour les postrockers de Tortoise, un sosie vocal d'Emmylou Harris du nom de Cathy Irwin et le jeune metteur en scène Harmony Korine (réalisateur des films-cultes
Gummo et
Julien Donkey Boy). A l'écoute du résultat, des boissons alcoolisées furent également servies aux participants ! Reste que Oldham garde le contrôle des opérations. Le créateur de
I see a darkness se sent visiblement toujours assiégé par de noires pensées. Certaines des paroles de ce disque narrent de sombres histoires de meurtre, infidélité, suicide — mais, d'un autre côté, Oldham n'a jamais paru si enjoué que lorsqu'il évoque telle expérience sexuelle débridée avec une femme anonyme mais à l'évidence fascinante sur des titres comme
A king at night et
After I made love to you. Autrement dit,
Ease down the road n'est pas un mauvais point de départ : ceux qui estimaient les travaux précédents d'Oldham trop arides et désolés pour vouloir même s'en approcher peuvent désormais se familiariser avec l'un des meilleurs songwriters américains vivants. Recommandé.
Nick Kent
BONNIE 'PRINCE' BILLY Ease down the road (Labels/Virgin)
Libération
2 avril 2001