Rock & folk


I see a darkness


Will Oldham ne trompe personne. Il peut bien user de tous les patronymes possibles (Palace Brothers, Palace Music, Palace, Will Oldham, Bonnie 'Prince' Billy...), c'est toujours lui que l'auditeur scrute au travers de cette oeuvre essentielle qu'il a bâti depuis le début de la décennie. Car, en cinq albums (auxquels s'ajoutent une multitude de singles rarissimes), Will Oldham a imposé un style, un timbre, une manière de chanter et de composer identifiables entre mille. Seul dépositaire crédible de cette country crue et désossée qu'on a appelée néo-country, Oldham est l'un des rares vrais réformateurs rock de cette fin de siècle. Dans l'ensemble aride mais crucial de la discographie des Palace et consorts, I see a darkness sonne le retour de la grande inspiration pour celui que l'on appellera donc (temporairement ?) Bonnie 'Prince' Billy. Une inspiration criante sur les entêtants Black et Death to everyone et littéralement phénoménale sur Another day full of dread. Tout en restant très proche de la ligne austère des glorieux Viva last blues et Arise therefore, Oldham dévoile par moments (Madeleine-Mary) un cousinage intéressant avec l'éclat crépusculaire des guitares de la BO de Dead man. Ailleurs, les paisibles Raining in darling ou A minor place atténuent la gravité de l'ensemble et contribuent même à faire de ce I see a darkness l'une de ses oeuvres les plus accessibles. Qu'il entraîne ou non la vraie reconnaissance tant méritée, il est évident que ce nouveau sommet devrait largement offrir de quoi ruminer tout l'hiver et probablement plus loin encore. Le premier grand disque de l'année ?...

Cédric Rassat




Rock & folk Rock & Folk
numéro 378
février 1999
page 85