An arrow through the bitch
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On raconte des choses bizarres sur le Kentucky. On dit que dans certains bleds, comme Pikeville, on tire à vue sur les étrangers." "
Ce n'est pas pareil à Londres ? A Louisville, si tu as l'imprudence de te balader sur des terres qui ne t'appartiennent pas, c'est normal qu'on te flingue." Dans les studios de la BBC, l'interview en direct prend immédiatement des allures de désastre. A chaque nouvelle question, les lèvres du chanteur tremblent, se battent avec ces satanés mots qui n'arrivent pas à sortir. "
Tes chansons sont très tristes. On a l'impression d'un type totalement isolé." "
Comme un type qui fait de la plongée sous-marine ? Je vis dans un monde à moi. Sur Vénus." A Londres, Will Oldham est venu sans ses faux frères des Palace Brothers. Charmant dans la vie, il devient violemment autiste à la vue d'un micro d'interview. Il répond aux questions dans le désordre — ou n'y répond pas du tout, ses yeux fixés sur le silence qu'il vient de jeter.

Photo : Renaud Monfourny
Pourtant, dès que le journaliste cesse l'interrogatoire et le laisse seul avec sa guitare, il n'est plus une âme pour ricaner dans le studio de la radio. Là, les ondes de la BBC tremblent devant ces petits moments bouleversants, la voix au bord des larmes, la guitare déjà en pleurs. Un minuscule filet de voix, au bord de la sécheresse, six cordes timides et effacées. Voilà, ce soir, les armes dérisoires avec lesquelles se bat Frère Palace. Une misère et pourtant, il occupe à lui seul l'espace entier, imposant silence et frissons rares. Ces quelques chansons volées dans un studio de la BBC, on en rêvait depuis
There is no-one what will take care of you, premier album des Palace Brothers écouté mille fois, renversant à chaque écoute, de plus en plus profond, touffu, collant — le grand disque oublié des hommes de 1993. C'est justement cet homme seul que l'on retrouvera à la rentrée, sur un nouvel album déjà promis à tous les honneurs.
JD Beauvallet
PALACE BROTHERS An arrow through the bitch (Domino/Semantic)